Anacharsis - vu de l'extérieur

Anacharsis - vu de l'extérieur

Toutes les émissions avec des auteurs et autrices publiés chez Anacharsis

Éditions Anacharsis

Vous trouverez ici le flux des émissions de radio, podcasts indépendants ou conférences enregistrées avec nos auteurs et autrices. Nous publions des ouvrages qui rendent compte des rencontres entre cultures dans quatre collections : "Essais", "Fictions", "Famagouste" et "Les ethnographiques". Il peut s’agir de textes écrits au fil du temps, de récits de voyages – authentiques ou étranges –, de témoignages, mais aussi d’essais dont le dénominateur commun est de mettre le lecteur en présence d’un questionnement sur l’altérité.

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Une brève histoire du droit en Europe - Esprit de justice (France Culture)

Les professeurs de droit demeurent tributaires de présupposés culturels dont ils n’ont pas nécessairement conscience. Tous les juristes sont par définition immergés dans un système de droit, le leur précisément. Comment le leur reprocher ? Qui peut prétendre avoir une vue de surplomb ?
Avec Tamar Herzog, historienne du droit, juriste, professeure à l’université de Harvard
Autrice de l'essai Une brève histoire du droit en Europe. Les 2500 dernières années.
Une brève histoire du droit

Le droit est un art essentiellement pratique : c’est pourquoi la grande majorité des juristes ont « le nez dans le guidon » : ils ont des affaires à résoudre, des dossiers à défendre, des conflits à apaiser.

Il faut en effet avoir une sacrée audace pour embrasser d’un seul regard plusieurs millénaires d’histoire d’un objet aussi complexe et local que le droit. C’est ce pari que Tamar Herzog a relevé dans un ouvrage intitulé Une brève histoire du droit en Europe. Les 2 500 dernières années, qui vient d’être traduit en français aux éditions Anacharsis. Un pari gagné, tant le livre se lit comme un roman (ce qui, il faut l’avouer, est assez rare pour les livres de droit !).
Outre d’être d’une lecture facile, ce livre est également rafraichissant car il détone dans une littérature juridique est de plus en plus technique et spécialisée, or il y a des mouvements du temps que l’on aperçoit qu’à la condition de prendre de la hauteur. Et c’est ce tour de force que réalise ce livre magistral en nous offrant une grande fresque du droit en Europe (et dans le monde occidental car il englobe les États-Unis).

"En tant qu'historienne du droit, aucun livre sur l'histoire du droit ne me convenait. J'en utilisais beaucoup dans mes cours à l'université ou j'en recommandais à des amis. Il y a, par ailleurs, de très bons livres sur l'histoire du droit, mais ce sont des livres sur l'histoire du droit national (droit espagnol, droit français, droit italien...), comme si ces droits étaient tout à fait différents, ce qui n'est pas du tout vrai historiquement." Tamar Herzog

Ce livre est donc à recommander aux étudiants tout d’abord car ils y trouveront une carte historique qui leur permettra de se situer. Il est aussi à conseiller également aux juristes avertis car ils y verront, remises en cause, nombre d’idées reçues ; ils y découvriront que ce qu’ils tiennent de plus évident, ce qui constitue à leurs yeux l’essence même du droit, résulte en réalité d’une construction historique millénaire.

Esprit de justice est donc très heureux d’avoir pu profiter de la mise en perspective de Tamar Herzog, professeure d’histoire du droit à l’université de Harvard, à l’occasion d’un de ses séjours à Paris.

"Le droit, c'est vraiment le résultat de plusieurs forces qui combattent plusieurs éléments entremêlés, et le résultat à la fin, est toujours assez surprenant." Tamar Herzog

"Je crois à l'Europe et a une histoire commune du droit en Europe, même lorsque l'on passe vers la fin du 18ᵉ et au début du 19ᵉ, à cette idée de droit national, qui commence avec la Révolution française, dans toute l'Europe." Tamar Herzog

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Adam et Ève, le paradis, la viande et les légumes - Babel (RTS)

Olivier Christin et Guillaume Alonge ont publié en avril 2023 un essai aux éditions Anacharsis : Adam et Ève, le paradis, la viande et les légumes
Adam et Eve

Invité: Olivier Christin
Adam et Eve étaient-ils végétariens? Dès la Renaissance, théologiens, médecins, philosophes et scientifiques vont débattre sur le régime alimentaire des premiers hommes bibliques. Une controverse européenne qui a posé les bases du débat actuel sur les relations entre lʹhomme, lʹanimal et le végétal. Lʹhistorien et spécialiste des querelles religieuses, Olivier Christin, est au micro de Jessica Da Silva.

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Les Man du fleuve Bleu - Le Cours de l'histoire (France Culture)

Le peuple Man est une invention du pouvoir impérial chinois. Les conflits qui opposent cet ensemble de populations originaires des rives du fleuve Bleu au pouvoir central durent plus d’un millénaire. Ils témoignent de la logique d’expansion qui accompagne la consolidation de la Chine impériale.

Avec Alexis Lycas Maître de conférences à l’École pratique des hautes études, spécialiste de l’histoire de la géographie chinoise ancienne et médiévale
Les Man du fleuve Bleu

En 1879, Gaston de Bézaure, qui se présente comme "interprète chancelier en Chine", donne le compte rendu de son voyage en Asie sous le titre Le Fleuve bleu : "Une énorme tache jaune s'étend devant nous sur l’océan, une embouchure immense s’ouvre dans les terres plates presque submergées. Le fleuve bleu ! s'écrie mon compagnon de voyage, Le Yang-tze-kiang ! dit mon lettré. Pourquoi cette dénomination flatteuse de fleuve Bleu ? Pourquoi ce titre orgueilleux de Fils de l’Océan donné par les Chinois à leur fleuve ? Ses eaux, loin d’être azurées, sont bourbeuses et gardent une teinte fauve ; et cet enfant de la mer a bien peu l’amour de la famille, car ses flots sont rebelles aux caresses des vagues". C'est très beau, très poétique. Nous ne savons pas si le voyageur a croisé les Man, un peuple aussi réel que le fleuve Bleu est bleu.

Le peuple Man et le fleuve Bleu

Le peuple Man est une invention du pouvoir impérial chinois. Dès la période pré-impériale, et surtout durant le règne de la dynastie Han (206 avant notre ère – 220), le terme de "Man" est utilisé par les bureaucrates de l’empire pour définir l’ensemble des populations qui vivent à proximité du fleuve Bleu. Pour l'historien Alexis Lycas, "le terme de Man est un exotisme, c’est-à-dire que c’est un terme appliqué par les ethnographes et les bureaucrates de l’empire Han pour désigner ces populations. Mais c’est aussi un terme proprement insultant parce qu’il désigne quelque chose en désordre, qui n’est pas structuré. Le mot Man renvoie à une image de population grouillante, fourmillante, donc extrêmement négative. Les Man entre eux ne s'appellent pas comme ça bien évidemment".
Ces populations liminales ne sont ni barbares, ni vraiment sinisées, et habitent aux confins méridionaux de l’espace chinois. Leur intégration fait figure de priorité pour un pouvoir impérial soucieux de s’étendre et de se légitimer.

Une Chine impériale à la conquête des Man

Les Man, décrits par l’historiographie officielle comme un peuple étrange, indiscipliné, et rétif au contrôle impérial essentiellement symbolisé par l’impôt et la conscription, opposent une résistance farouche aux fonctionnaires et aux militaires chinois, toujours plus nombreux. Le règne de la dynastie Liu Song, au Ve siècle de notre ère, marque l’apogée de ces affrontements entre État chinois et peuple Man. Pourtant, les bureaucrates et les lettrés de la Chine impériale ne manquent pas d’idées pour parachever la conquête de ces espaces. Les incursions armées s’accompagnent d’un savant jeu d’alliances avec les élites locales, qui repose principalement sur l’octroi de titres, d’avantages et d’exemptions fiscales.
Après des siècles de conflits, les tensions s’apaisent enfin sous le règne de la dynastie Tang, à partir du VIIe siècle de notre ère, sans pour autant que les terres du peuple Man soient vraiment passées dans le giron de l’Empire de Chine…

Alexis Lycas est maître de conférences à l’École pratique des hautes études, spécialiste de l’histoire de la géographie chinoise ancienne et médiévale.
Il publie Les Man du fleuve bleu. La fabrique d'un peuple dans la Chine impériale (Anacharsis, 12 mai 2023).

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Une brève histoire du droit en Europe - Le Cours de l'histoire (France Culture)

La "common law", le droit britannique, est souvent présentée comme différente du droit européen, car elle s'appuierait davantage sur la jurisprudence que les droits continentaux. L'analyse historique confirme-t-elle cette idée communément répandue ? Les Anglais font-ils vraiment tout différemment ?

Avec Tamar Herzog, historienne du droit, juriste, professeure à l’université de Harvard
brève histoire du droit en Europe
Une brève histoire du droit en Europe, Tamar Herzog

Dans Le Journal de l’Empire du 31 juillet 1808, le géographe français Conrad Malte-Brun s’intéresse au droit anglais : "Le droit anglais, comme tout autre système de loi, formé successivement par agrégation et sans plan, se divise en deux parties : les statuts, et la loi commune ou les coutumes.", rappelle-il, et il précise : "La loi commune, c’est-à-dire la loi non écrite, résultat des usages, réunit à quelques principes d’un prix inestimable, une foule d’incohérences, de subtilités, d’absurdités, de décision tout à fait capricieuses." Au moment où Malte-Brun écrit ces mots, la France est en guerre contre l’Angleterre et Napoléon a déjà imposé le Code civil en France et même un peu partout en Europe. Est-il vrai que le droit anglais serait une exception dans l’histoire ?

La naissance de la "common law" anglaise au XIIe siècle

Beaucoup d’historiens ont avancé que l’Angleterre avait emprunté une voie juridique singulière à partir des XIe et XIIe siècles, et construit un nouveau système juridique, bien différent du ius commune continental, qui domine le reste de l’Europe. L'historienne du droit Tamar Herzog s’attache à discuter cette idée et à en montrer les limites, en mettant en évidence ce qui rapproche les deux systèmes juridiques, afin de montrer qu’ils appartiennent tous deux à une même tradition européenne.

La common law au moment de son apparition est très influencée par le droit romain, le droit canon, et les droits autochtones, en l’espèce un droit germanique importé par les Germains lors des invasions, ce qui rapproche l’Angleterre d’autres pays européens. Pourtant, il est incontestable que dès le XIIe siècle, le droit anglais se singularise, tandis qu’émerge une juridiction royale, avec l’apparition de cours de justice royales qui se superposent aux juridictions déjà en place, tribunaux locaux, municipaux, féodaux ou ecclésiastiques. Tamar Herzog, professeure à l’université d'Harvard, souligne qu'il y a plusieurs droits locaux en Europe : "Chaque groupe a son propre système juridique. (...) La common law anglaise commence avec un monarque qui essaie de créer un droit commun à tout le royaume pour éliminer les droits locaux. En réalité, la common law commence avec une série de tribunaux royaux. Dans toute l’Europe, une opposition s'élève contre l'émergence du pouvoir royal face au pouvoir des coutumes locales."

L'expansion de la juridiction royale a pour conséquence l'apparition de nouveaux mécanismes juridiques, dont le plus important est le système des writs, qui est le fondement même de la common law. Le writ est un ordre du roi écrit en latin sur un parchemin portant le sceau royal. C'est par cet ordre que le roi intervient pour régler une situation d’infraction ou de trouble. Les writs proposent des solutions pour gérer ou trancher un conflit : ils indiquent comment régler le problème et sont destinés à garantir la paix.

Au milieu du XIIe siècle et surtout au XIIIe siècle, les writs s'institutionnalisent. La chancellerie se met à garder une trace des writs précédents, qui cessent d’être des solutions au cas par cas, pour devenir des formules fixes que les plaideurs peuvent obtenir. Un répertoire des writs existants se met en place. Il en existe une quarantaine en 1189. Les writs prolifèrent, ce qui entraîne une extension de la juridiction royale, qui se banalise, alors qu’elle était auparavant perçue comme exceptionnelle.

C’est ce système qui prend peu à peu le nom de common law. Il est dit commun car il se superpose aux juridictions locales, municipales et féodales, englobe tout le royaume et s’adresse à toute personne ayant prêté allégeance au roi. Il s’agit donc d’une communauté politique. La common law s'oppose ainsi au ius commune qui mêle droits romains, canon et féodal, et qui est dit commun car il est partagé théoriquement par tous les habitants de la chrétienté latine, qui malgré leurs appartenances politiques diverses adhèrent à une seule et même culture, une seule et même religion et un seul et même droit.

Pourtant Tamar Herzog montre que, contrairement aux idées reçues, le droit romain est le fondement de la common law anglaise tout comme il est le fondement du droit européen. Au Moyen Âge, une grande diversité de normes coexiste en Angleterre, venues à la fois du droit romain, canon, germanique, féodal et local - ce qui ne distingue pas l’île du continent. De plus, l’expansion de la juridiction royale, justifiée par l’obligation de garantir la paix, n’est pas originale à l’échelle de l’Europe : les monarques anglais, tout comme leurs homologues européens, cherchent simplement à affirmer leur supériorité vis-à-vis des seigneurs féodaux.

Il existe néanmoins des différences entre la common law et le droit européen continental. Les monarques normands créent leurs propres tribunaux, là où d’autres monarques utilisent le ius commune pour assurer la concorde. Les jurys populaires acquièrent une grande importance en Angleterre aux XIIIe-XIVe siècles, et jouent un rôle différent de celui qu’ils ont en Europe : sur le continent, c’est le juge qui est chargé de garantir la justice, tandis qu’en Angleterre, le juge ne fait que diriger et superviser la procédure, et délègue la décision à des jurys.

Il serait donc abusif de dire que le ius commune et la common law sont identiques, mais ils appartiennent clairement à la même famille. La common law serait ainsi une simple variante des multiples systèmes juridiques qui ont dérivé du ius commune. Le système juridique mis en place par les monarques normands à partir du XIe siècle est bien l’héritier d’un passé européen et participe du présent européen de l’époque.

La réinvention de la "common law" au XVIIe siècle

C’est seulement au XVIIe siècle que la common law se singularise véritablement par rapport au droit continental, lorsque les juristes anglais se mettent à revendiquer la différence radicale et la supériorité de leur système normatif. Ils affirment, au prix d’une totale réécriture de l’histoire juridique et politique anglaise, que l’Angleterre possède un droit coutumier authentique, un droit anglo-saxon antérieur à la conquête normande du XIe siècle, et qui refléterait l’esprit de son peuple. Ainsi réinterprétée, la common law devient "commune" parce qu’elle trouve ses origines dans la communauté. Tamar Herzog évoque également la dernière étape, plus tardive, qui parachève la singularisation de la common law anglaise : c'est surtout au "XIXe siècle que le droit anglais devient différent par rapport au reste de l’Europe. La codification fait débat en Angleterre : de nombreux Anglais veulent avoir un code parce qu’ils ont l’impression que le droit est trop compliqué, parfois archaïque, avec du droit féodal, pas totalement disparu ; tandis que d'autres Anglais pensent que la common law est impossible à codifier." Pour toutes ces raisons, l’Angleterre serait donc une exception, opposée aux systèmes juridiques européens qui eux suivent le droit romain. C’est ainsi qu’est né le mythe de l’exception anglaise, qui a subsisté de l’époque moderne à nos jours !

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Les Sept contre Thèbes (Ombres Blanches)

Rencontre avec Pierre Judet De La Combe sur la pièce d'Eschyle récemment traduite aux éditions Anacharsis, Les Sept contre Thèbes.
Les Sept contre Thèbes

Thèbes, cité mythique. Étéocle et Polynice, les fils d’Œdipe, ont été maudits par leur père. Aujourd’hui, Étéocle est roi, et son frère vient lui enlever le trône par la force. Il est accompagné de six autres guerriers, superbes et fulminants, chacun face à l’une des sept portes de la ville. Au terme du combat, la cité sera sauve, mais au prix d’un fratricide réciproque. L’apaisement, musical, viendra du chœur des jeunes thébaines.

Autour de cette « pièce de guerre » lestée d’une force suggestive inouïe, Pierre Judet de La Combe interroge toutes les opportunités interprétatives que soulève Eschyle dans cette tragédie trop méconnue, sur le politique, la guerre, le mythe et les rites, mais au-delà, sur la puissance vertigineuse du langage.

Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER